Psychologue Montréal

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PORTE 54 - ITINÉRAIRE D'UNE PSYCHOSE (Roman)

Auteurs : Alain Rioux & Jean-Eudes Rioux
Éditions Option Santé

Sommaire: Le roman « Porte 54, Itinéraire d’une psychose » est avant tout une œuvre d’espoir. Après une longue hésitation, le héros du livre décide de renouer avec ses rêves et de retourner vivre dans la communauté qui l’a rejeté dans sa jeunesse. Ce roman fait vibrer par sa sensibilité et le représentation touchante du combat intérieur que vit le personnage principal. C’est une histoire qui exprime avec force qu’il est possible « d’en sortir » et de retrouver son pouvoir et son identité de citoyen malgré la maladie mentale et les préjugés qui s’y rattachent. C’est une histoire qui parle de courage et confronte les peurs liées à un retour dans la communauté après des années d’institutionnalisation.

Illustration : Jean Lapointe est un artiste qui participe au Programme Vincent et moi. Ses oeuvres illustrent avec sensibilité et poésie le cheminement intérieur du héros du livre. 

PRIX : Pour le Canada: 30 $ Can.  /  Pour la France et l'Europe: 25 Euros
             (le prix inclus les frais de poste)

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EXTRAIT NO.1 

« Les corridors de l’hôpital étaient tellement familiers à Fernand Charbonneau qu’on pouvait presque dire qu’ils étaient devenus ses amis. Plus de vingt ans à les côtoyer avait forgé des liens tellement solides qu’il avait l’impression d’en faire partie. Il se mariait avec eux d’une manière si intime qu’il cessait presque d’exister. Preuve de cette relation fusionnelle : on ne le remarquait plus quand il déambulait maladroitement en claudiquant dans ce labyrinthe. Fernand croisait des gens qui ne le reconnaissaient pas, ne le saluaient pas, ne le voyaient pas. 

Ainsi, les longs corridors de l’hôpital avaient une fonction apaisante sur sa santé mentale. « Une marche dans les couloirs jusqu’à la porte 54, c’est ben mieux qu’une pilule! », se disait-il. » . 

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Préface de François Bertrand

Directeur artistique du Programme Vincent et moi (1)
Institut universitaire en santé mentale de Québec 

Tout au long de ma carrière en milieu psychiatrique, j’ai toujours été très préoccupé par la marginalisation que subissent les personnes atteintes de maladie mentale. Ces «gens-là» deviennent dépositaires, malgré eux, de l’ignorance, des préjugés, de la peur, de l’inconfort et de la honte qui colorent l’imaginaire populaire face à l’univers de la psychiatrie. Il m’arrive régulièrement de constater combien cette mise au ban de la société est souvent plus douloureuse que la maladie elle-même et s’y superpose. Je me suis donc efforcé d’établir des passerelles entre ces deux communautés - l’interne et l’externe - puisqu’en fait, il n’en est qu’une, la communauté humaine. En ce sens, la création du programme Vincent et moi [1] s’inscrit dans cette délicate mission d’aider l’individu atteint de maladie mentale, grâce à l’expression artistique, à retrouver la légitimité de son expérience et à recouvrer sa dignité. Il devient alors plus apte à s’avancer dans un rapport enrichissant avec les membres de la communauté et à jouer un rôle dans la société. «Porte 54 : Itinéraire d’une psychose» est l’une de ces passerelles qui a permis une rencontre véritable entre les co-auteurs d’un roman et un artiste du programme pour la réalisation d’une œuvre commune. 

Avec leur roman «Porte 54 : Itinéraire d’une psychose», les auteurs, Alain et Jean-Eudes Rioux nous font pénétrer à l’intérieur de cette enceinte redoutée –l’asile psychiatrique- et nous guident dans ce dédale insolite de couloirs sans fin et de portes verrouillées. Échappant à la caricature ou au sensationnalisme, ce livre trace de façon magnifique et poétique la quête d’un homme, Fernand, qui, dans son processus d’intégration sociale après plus de vingt-cinq années d’internement, retrouve peu à peu foi en lui-même, puis dans les autres; une foi et une dignité qui lui seront redonnées grâce à l’accompagnement de Mireille, la psychologue… Avec une sensibilité et une justesse peu communes, les auteurs nous donnent accès aux chevauchements de la rêverie psychotique et de la réalité tels que vécus par le héros. Le lecteur a ainsi le privilège de ressentir le processus qui défile dans cet esprit divisé et de vibrer aux émotions qui le tourmentent ou l’apaisent. En second plan, ils tracent un portrait nuancé de la vie interne d’un établissement psychiatrique, de certains enjeux qui s’y déroulent et de la routine quotidienne des patients, liée à l’institutionnalisation. Deux univers parallèles se présentent, «l’interne» et «l’externe», où quel que soit celui dans lequel on se trouve, l’autre semble une terre inconnue et inquiétante. Au fil des pages, franchir la Porte 54 devient le défi, mais de qui, au juste?

L’illustrateur Jean Lapointe connaît cette réalité, de l’intérieur et de l’extérieur. Il est bien placé pour…..la dessiner! Son charisme de dessinateur fait ressortir toute la beauté onirique des images qui trottent dans la tête du héros et la simplicité de ses dessins vient accentuer la vérité qui s’y trouve. 

Cela dit, ne vous méprenez pas : il s’agit bel et bien d’un roman, où page après page, l’intérêt et la curiosité nous piquent jusqu’à l’ultime dénouement, au-delà de la Porte 54, car vous imaginez qu’on ne la franchit pas si aisément…

[1] Vincent et moi est un programme d’accompagnement artistique et de prêt d’œuvres d’art réalisées par des personnes qui reçoivent des soins au Centre hospitalier Robert-Giffard ou dans la communauté. Ce programme désire surtout reconnaître le potentiel créateur de ces artistes et favoriser une meilleure communication entre eux et la communauté.

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EXTRAIT NO.2

Fernand est en conversation avec son psychiatre, le Dr Saad. 

Le docteur Saad demanda à Fernand Charbonneau :

« - Est-ce que vous vous plaisez sur votre unité actuelle? »

Fernand aspira une longue bouffée de cigarette puis rejeta la fumée qui forma un léger nuage entre lui et le Dr Saad.

« - Pas trop mal! Pas trop mal! Mais je trouve que le préposé qui fait le service des cabarets au dîner met beaucoup de légumes dans les assiettes. Au souper, c’est moins pire … Mais c’est pas le même préposé.
- Ah, bon!
- Vous savez, docteur, reprit Fernand, au fait … vous êtes ben un docteur? »

Le docteur Saad posa sur lui un regard interrogateur.

« - Mais oui …
- Le docteur … quoi?
- Saad! Docteur Saad.
- Quoi? “Sale”?
- Non. “S-A-A-D”!
- Ah, bon! Je m’excuse, Docteur! Encore cette maudite oreille gauche …qui me joue des tours. Alors, vous êtes le docteur Saad, et vous êtes psychiatre. Ça fait combien de temps que vous travaillez ici? »

Le docteur Saad réfléchit quelques secondes avant de déclarer :

«- Ça fait … Mais oui! Ça va bientôt faire trois mois, monsieur Charbonneau. J’espère que ça ne vous dérange pas. 
- Mais non! Au contraire. Ça me déplaît pas du tout. Sauf que moi, ça fait dans les vingt-cinq ans …
- Vingt-sept, corrigea le docteur Saad, pour être précis. C’est la preuve que vous vous plaisez vraiment dans ce département?
- Vous savez que je suis fou, moi … Vous le savez certainement parce que c’est écrit dans mon dossier et qu’on vous paie pour le savoir …Et on vous paie pour écrire dans mon dossier que je suis un « schizophrène paranoïde chronique ». Ça veut dire que je suis fou, docteur! L’autre nuit, j’ai vu la Vierge Marie qui descendait du plafond du dortoir; c’était ben Elle, vous savez, et Elle me l’a dit. Elle m’a dit aussi que ma place était ici, à l’asile des malades mentaux, et que j’y passerais toute ma vie …
- Avez-vous réellement vu la Vierge, l’interrompit le docteur Saad qui voulait reprendre l’initiative de l’interrogatoire, ou n’était-ce qu’un rêve?
- C’était un rêve aussi réel que vous, docteur. Mais peut-être que vous croyez pas en Dieu. Ça, c’est une autre histoire … Voyez-vous, moé, j’ai une mission à remplir sur la terre …
- Ah, oui? fit le docteur Saad dont la curiosité à l’égard de ce singulier personnage augmentait de minute en minute.
- Je paie pour les péchés du monde. 
- Que voulez-vous dire?
- Y a des gens qui font une mauvaise vie : ils vendent des drogues, courent avec les prostituées, boivent beaucoup d’alcool, et sont quand même heureux. Moé, j’ai rien; je fais rien. Seulement des poids et haltères de temps en temps pour me rendre plus fort et, quelquefois, des mots-croisés pour entretenir mon esprit malade. Je lis un petit peu mais pas beaucoup. ça m’endort. J’ai rien qu’un défaut : je suis fou et malheureux. 
- Vous êtes malheureux? reprit le docteur Saad.
- Pas vraiment. C’est parce que ma mission c’est « d’être malheureux et de souffrir » comme les bonnes sœurs me l’ont toujours dit. Mais vous, êtes-vous heureux? »

Le docteur Saad prit un air songeur et, pendant un moment, il se demanda si, oui ou non, il était heureux. Puis il réalisa qu’il était en train de se perdre dans le délire de son patient et qu’il était grand temps qu’il reprenne le contrôle. Il voulut parler mais Fernand continua son monologue. 

« …vous êtes pas heureux, docteur, et je le vois ben dans votre regard, dans votre comportement. Actuellement, vous aimeriez être ailleurs … et non dans ce petit bureau en face de moé … En tout cas, quand on est heureux comme moé d’être à l’asile, on est sûrement fou, vous pensez pas?
- Je ne sais pas, murmura le docteur Saad, stupéfait.
- Ma tête fonctionne pas comme la vôtre, vous savez.
- Et comment! s’exclama le docteur Saad, de plus en plus abasourdi.
- C’est vrai. Y a des choses que je suis le seul à voir et entendre; vous, vous les verrez jamais, ces choses, et vous les entendrez jamais, non plus. Je sais des choses que vous savez pas, comme vous savez des choses que je sais pas. Vous sentez aussi des choses que je sens pas. Mais, de nous deux, c’est vous le moins fou … et c’est pour ça que vous avez une femme, des enfants peut-être, une belle maison, une auto et autant de cigarettes que vous en désirez. Vous avez lu mon dossier avec beaucoup d’attention, hein?
- Oui, admit le docteur Saad, qui avait maintenant décidé de se laisser entraîner volontairement dans le dérèglement psychologique de son patient, curieux, tout de même, de constater où cela aboutirait. 
- Et alors, docteur, en ce qui me concerne, quelles sont vos conclusions? »

Celui-ci était perplexe. Cette entrevue avait pris une tournure dangereuse. Le moindre de ses mots pouvait avoir des conséquences graves sur l’esprit perturbé de Fernand Charbonneau. C’est pourquoi il déclara prudemment et sur un ton serein :

« - Vous savez, monsieur Charbonneau, j’ai découvert une foule de contradictions dans votre dossier.
- C’est que, au fil des années, en vieillissant, docteur, ma folie a changé, comme votre façon de voir la vie va changer quand vous allez vieillir. Quand je roule une cigarette, je suis pas fou, et pas plus quand je la fume comme je fais présentement. C’est quand je parle avec vous que « je deviens schizophrène » et c’est ben simple : c’est parce que vous n’arrivez pas à me comprendre. Je pense pas comme vous et j’agis pas comme vous. Quand il m’arrive de faire une bonne affaire, un bon « bargain » avec d’autres patients, j’ai l’impression d’être le plus rusé des marchands. Quand je trouve de la monnaie dans une distributrice, je me sens magicien. Je suis capable de faire apparaître des pièces de cinq sous dans les machines, vous savez, mais pas tous les jours. Cela dépend …

- Après tant d’années passées ici, au Centre Hospitalier Gilbert Savard, vous n’avez jamais pensé, M. Charbonneau, à aller vivre ailleurs, en dehors de cet hôpital? se hasarda à demander le docteur Saad. »

Un sourire ineffable apparut sur le visage hâlé de Fernand et, pendant quelques instants, le Dr Saad lui-même ne put résister à l’emprise séduisante du regard gris posé sur lui. Il y avait, dans ce regard, une simplicité, une humanité, une poésie presque, qu’il n’avait vue chez personne. 

« - Impossible, docteur, répondit Fernand sur un ton qui n’admettait pas de réplique. Je suis schizophrène. Et les schizophrènes ne peuvent pas vivre en dehors. Tout le monde sait ça. Il m’arrive de … me prendre pour le pape, vous savez. Vous ne trouvez pas ça drôle? 
- Mais non.
- Ben, vous me surprenez! » 

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